L’Arbitrage En Droit Marocain : Procédures et Avantages

posted by Laila Touhami05/03/2024

Qu'est ce que l’arbitrage en droit marocain et comment fonctionne-t-il ?

L'arbitrage au Maroc, en tant que modalité extrajudiciaire de règlement des litiges, se distingue par sa fonction alternative visant à alléger le fardeau des tribunaux, qui, confrontés à une augmentation de la demande juridictionnelle, peinent à fournir des solutions promptes et efficientes.

Dans ce contexte, la coexistence harmonieuse entre la justice arbitrale et la justice étatique s'érige en une alternative judicieuse, convergent vers l'objectif commun de respect des lois et d'accomplissement de la justice.

La signification de l'arbitrage, tant pour les entreprises que pour les particuliers, ne saurait être sous-estimée.

La présente note a pour objet de définir l'arbitrage en détaillant ses modalités d'application, ses avantages, et les limites qui lui sont intrinsèques.

Comment soumettre un litige à la procedure d’arbitrage ?

Les parties contractantes ont la faculté de le faire par le biais d'une convention d'arbitrage, que cette dernière soit conclue lors de la formation du contrat (clause compromissoire) ou même à la survenue du litige (compromis d’arbitrage).

La convention d’arbitrage : c’est quoi ?

La convention d'arbitrage, telle qu'énoncée dans le premier alinéa de l'article 307 du Code de procédure civile (CPC), représente l'expression de la volonté des parties de recourir à l'arbitrage pour résoudre un litige existant ou potentiel portant sur un rapport de droit spécifique, qu'il soit de nature contractuelle ou non contractuelle.

Selon le moment de sa conclusion, cette convention peut être qualifiée soit de clause compromissoire, lorsque cette dernière est intégrée dans le contrat initial, soit de compromis d'arbitrage, lorsqu'elle est établie après la survenance du litige.

Malgré cette distinction, les deux types de conventions partagent le même objectif, à savoir soumettre le litige à l'arbitre et ainsi l'exclure de la compétence du juge étatique.

Les Conditions de Validité de la Convention d’Arbitrage

Outre les conditions générales de validité, chaque type de convention d'arbitrage est soumis à des conditions spécifiques propres à sa nature et à son contexte.

1. Conditions communes de validité

Les conditions communes de validité d'une convention d'arbitrage comprennent les éléments suivants :

Consentement des parties : le consentement des parties doit être donné sans vice, tel que le dol, l'erreur ou la violence, conformément à la jurisprudence établie (Référence : DOC, 12 août 1913, article 39).

Capacité : les parties doivent être capables de disposer des droits litigieux. Conformément à l'article 308 du Code de procédure civile, toute personne, physique ou morale, ayant la capacité juridique peut conclure une convention d'arbitrage concernant les droits dont elle dispose librement.

Objet : le droit faisant l'objet de la convention d'arbitrage doit être disponible. Cela signifie que les litiges relevant de la compétence des tribunaux de commerce peuvent également faire l'objet d'une convention d'arbitrage.

Néanmoins, l'article 309 du Code de procédure civile interdit le recours à l'arbitrage pour certains litiges, tels que ceux relatifs à l'état et à la capacité des personnes, ainsi que ceux concernant les actes unilatéraux de l'État, des collectivités locales ou des organismes dotés de la puissance publique.

Toutefois, des exceptions à ce principe sont prévues par l'article 310 du Code de procédure civile, notamment en ce qui concerne les litiges pécuniaires découlant des actes unilatéraux ou les litiges relatifs aux contrats conclus par l'État.

2. Clauses de validité de la clause compromissoire :

L'article 317 du Code de procédure civile énonce deux conditions prépondérantes pour la validité de la clause compromissoire :

Clause écrite :

Tout d'abord, elle doit être consignée par écrit, que ce soit dans le contrat principal ou dans un document externe se référant à ce dernier.

La notion d'écrit est interprétée dans un sens large et inclusif, englobant divers moyens de communication, tels que les lettres, les communications, les télégrammes, ainsi que tout autre moyen de télécommunication.

Cette exigence inclut également les écrits électroniques, conformément à la loi n° 53-05 relative à l'échange électronique de données juridiques.

Désignation de l’arbitre ou des modalités de sa désignation :

En outre, sous peine de nullité, ladite clause doit soit nommer les arbitres choisis, soit prévoir les modalités de leur désignation.

3. Conditions de validité du compromis d’arbitrage

Deux conditions de validité sous peine de nullité du compromis sont exigées par le premier alinéa de l'article 315 du Code de procédure civile :

Le compromis doit déterminer l'objet du litige :

L’objectif étant de délimiter le cadre de la mission des arbitres et d’exclure la compétence du tribunal étatique quant à l’objet du litige déterminé.

Contrairement à la clause compromissoire où l’objet du litige ne pourra être déterminé que plus tard lorsque le litige naît, l’objet du litige doit être déterminé en cas de compromis puisque le litige est déjà né.

Le compromis doit désigner le ou les arbitres ou fixer les modalités de leur désignation:

Cette condition est commune aux deux conventions d’arbitrage.

La désignation des arbitres peut se faire en indiquant le ou les noms des arbitres ou encore leur qualité ou fonction qui permettent de les individualiser.

L'arbitre est totalement libre d’accepter ou de refuser la mission qui lui a été confiée par les parties.

Quel est le tribunal arbitral compètent ?

La convention d'arbitrage permet de constituer immédiatement le tribunal arbitral.

Les parties doivent respecter la convention d’arbitrage et ne pas porter leur litige devant une juridiction étatique

Si le litige faisant l'objet d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'État, celle-ci devrait se déclarer incompétente, que le tribunal arbitral ait été déjà saisi ou non à condition que le défendeur en fasse la requête.

La juridiction étatique ne peut déclarer d'office l'irrecevabilité de l'action et relever d’office son incompétence.

Par ailleurs, une saisine de la juridiction étatique en vue de trancher un litige en présence d'une convention d'arbitrage et sans contestation par l'une des parties vaut une renonciation tacite à la voie arbitrale.

Deroulement de l’instance arbitrale :

Durée de la mission des arbitres :

Il va sans dire que l'un des traits caractéristiques de l'arbitrage est la célérité.

À défaut de délai conventionnel prévu par les parties dans la convention d'arbitrage, le premier alinéa de l'article 327-20 du Code de procédure civile fixe un délai de 6 mois dont le point de départ est le jour où le dernier des arbitres a accepté sa mission.

Prorogation

Le délai de la mission des arbitres peut être prorogé par les parties elles-mêmes d'un commun accord.

À défaut, : ce délai peut être prorogé par le président du tribunal compétent soit à la demande de l'un des plaideurs, soit à celle du tribunal arbitral. (CPC marocain, art. 327-20, al. 2)

Saisine des arbitres :

Les arbitres peuvent être saisis soit conjointement par les parties, soit par la partie la plus diligente.

Quels sont les pouvoirs d’un arbitre ?

Les arbitres disposent de pouvoirs étendus pour instruire l'affaire.

Ils peuvent ordonner diverses mesures d'instruction telles que des auditions de témoins ou des expertises.

De plus, ils peuvent enjoindre à une partie de produire des éléments de preuve. Toutefois, ils ne possèdent pas l'autorité d'obliger les parties à fournir les documents nécessaires à la résolution du litige.

Concernant les mesures conservatoires et provisoires, les arbitres peuvent les prendre sur demande d'une partie, sauf si la convention d'arbitrage stipule le contraire.

Les parties conservent cependant le droit de saisir le juge des référés pour obtenir des mesures provisoires ou conservatoires, même en présence d'une convention d'arbitrage.

Les arbitres sont également compétents pour se prononcer sur la validité de la convention d'arbitrage et sur l'étendue de leur propre compétence.

Ils peuvent le faire par le biais d'une ordonnance, qui peut être contestée dans les cas spécifiques prévus par la loi.

En cas de clause d'amiable composition, les arbitres sont tenus de statuer en équité.

Cependant, ils doivent respecter les règles impératives et peuvent appliquer le droit si nécessaire, en expliquant leur décision par rapport à l'équité.

La sentence arbitrale

Les arbitres élaborent la sentence arbitrale à l'issue de la clôture des débats et à l'issue de délibérations confidentielles.

Cette sentence représente la décision rendue par les arbitres concernant le litige qui leur est présenté par les parties, dans le but de mettre fin à l'instance.

Cet acte revêt une dimension juridictionnelle, conférant ainsi à l'arbitrage un caractère judiciaire.

L'autorité de la sentence, résultant du pouvoir conféré aux arbitres par les parties pour trancher le litige, est contraignante. Elle lie les parties et peut être exécutée directement

Exécution de la sentence

Souvent, les parties qui ont contracté décident volontairement de mettre en œuvre la sentence arbitrale.

Ce choix reflète la nature contractuelle de l'arbitrage. En convenant ensemble de recourir à l'arbitrage, les parties doivent respecter et honorer la décision des arbitres de manière volontaire et de bonne foi, en particulier lorsque la sentence n'est entachée d'aucun vice entravant son exécution amiable.

Exécution Forcée

Si l’une des parties refuse de se conformer à la sentence arbitrale, cette dernière ne peut être exécutée de force.

En tant que juge privé, l'arbitre n'a pas le pouvoir d'imposer l'exécution de sa décision aux parties.

Pour que la sentence arbitrale puisse être exécutée de manière forcée, elle doit être munie d'une ordonnance d'exequatur, délivrée par le juge étatique compétent. Cette ordonnance confère à la sentence arbitrale la force exécutoire nécessaire.

L'intervention du juge étatique pour accorder cette force exécutoire à la sentence arbitrale est essentielle et représente l'une des limite de l'arbitrage.

L'exequatur est sollicité par requête auprès du président de la juridiction compétente dans le ressort où la sentence a été émise.

Cette formalité consiste à apposer l'exequatur sur le document original de la sentence, ce qui équivaut à une ordonnance.

Selon l'article 327-32 du Code de procédure civile, deux situations se présentent :

Si l'exequatur est octroyé, l'ordonnance n'est pas susceptible de recours. Toutefois, un recours en annulation contre la sentence peut être considéré comme un recours indirect contre l'ordonnance d'exequatur.

En cas de refus d'exequatur, l'ordonnance peut être contestée par voie d'appel dans un délai de 15 jours à compter de sa notification. Cette contestation doit être motivée pour justifier le refus.

Dans ce scénario, la cour d'appel peut examiner les arguments qui auraient pu être soulevés contre la sentence si elle avait été directement contestée par un recours en annulation.

A retenir

L'arbitrage offre aux particuliers et aux entreprises marocaines une alternative efficace pour résoudre les litiges, en évitant la lenteur des tribunaux étatiques.

Pour les entreprises, cela réduit les coûts et préserve la confidentialité, tandis que pour les particuliers, cela assure une résolution plus rapide et moins formelle des conflits.

Cette méthode permet également aux parties de choisir des arbitres spécialisés dans leur domaine, garantissant des décisions éclairées et équitables.

En outre, l'exécution des sentences arbitrales renforce la sécurité juridique des contrats, favorisant ainsi un climat favorable aux investissements et aux transactions commerciales.

Maître Laila Touhami

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