posted by Laila Touhami19/01/2024
Comment fonctionne la Kafala au Maroc et en quoi se distingue-t-elle de l'adoption ?
La Kafala est un système légal de prise en charge d'un enfant abandonné ou orphelin, sans créer de lien de filiation. Contrairement à l'adoption, la Kafala permet au tuteur d'assurer l'éducation et la protection de l'enfant tout en respectant les lois de la charia, interdisant l'adoption plénière. Ce modèle est unique et très encadré au Maroc.
La kafala est un système de prise en charge d'un enfant orphelin ou abandonné, pratiqué dans les pays de droit islamique.
Il s'agit d'une forme de tutelle qui permet à un adulte de s'occuper d'un enfant sans pour autant créer un lien de filiation juridique comme l'adoption.
L'enfant reste lié à sa famille biologique en termes de filiation, et il ne peut pas hériter du kafîl (le tuteur).
La principale différence entre la kafala et l'adoption est que la kafala ne rompt pas le lien de filiation entre l'enfant et sa famille biologique.
Contrairement à l'adoption, la kafala ne permet pas de donner à l'enfant les droits successoraux dans la famille du kafîl.
L'adoption est interdite en droit musulman (charia) et en droit marocain (Art.3 – 1er alinéa du code de la famille), mais la kafala permet de prendre en charge un enfant dans un cadre légal compatible avec cette législation.
La réforme de la Moudawana n'est pas seulement un changement légal, mais aussi un tournant culturel et social.
La kafala n'est pas reconnue comme une adoption en France ni dans d'autres pays européens, car ces pays appliquent un modèle d'adoption plénière ou simple qui entraîne la création d'un lien de filiation.
Cependant, les tribunaux français reconnaissent la kafala comme une mesure de protection légale qui permet d'accorder à l'enfant le droit de résider en France, sans pour autant lui octroyer les mêmes droits qu'un enfant adopté.
La jurisprudence européenne a parfois accordé le droit de regroupement familial à un enfant sous kafala.
La Kafala concerne les enfants déclarés abandonnés, tels que définis par la loi n° 15-01 du 13 juin 2002.
Un enfant est considéré abandonné s’il a moins de 18 ans et est dans l’une des situations suivantes : parents inconnus, orphelin, parents incapables de subvenir à ses besoins, ou parents déchus de la tutelle légale.
Les conditions d’éligibilité à la Kafala sont prévues par l’article 9 de la loi n° 15-01. Peuvent y prétendre les époux musulmans et les femmes musulmanes célibataires, à condition d’être moralement et socialement aptes et de disposer de ressources suffisantes.
Le Kafil, tuteur datif, n’a pas les mêmes droits que les parents biologiques et ne bénéficie pas des articles relatifs à la pension alimentaire.
Toutefois, il peut obtenir des allocations sociales pour l’enfant. Le juge des tutelles demeure le représentant légal de l'enfant et peut annuler la Kafala en cas de manquement (art. 19).
Le Kafil est responsable de l’entretien, la garde et la protection de l’enfant jusqu’à sa majorité légale ou son mariage pour une fille.
La Kafala ne crée pas de lien de filiation ni de droits successoraux, mais
l’enfant peut acquérir la nationalité marocaine sous certaines conditions (art. 6, Code de la nationalité marocaine).
La Kafala prend fin avec la majorité de l’enfant, le décès de l’enfant ou du Kafil, la perte de capacité du Kafil, ou par annulation judiciaire en cas de manquement (art. 25).
La procédure de Kafala débute par le dépôt d'une requête auprès du président du tribunal de première instance (section du droit de la famille).
Les documents nécessaires incluent les pièces d’identité, l’acte de mariage, le livret de famille, la preuve de ressources financières et de travail, le casier judiciaire, et l'acte de naissance de l'enfant.
Ensuite, une enquête est menée par une commission désignée par le juge des tutelles pour vérifier les conditions de la Kafala.
Si les conditions sont remplies, une ordonnance est rendue pour désigner le Kafil, susceptible d’appel, et exécutée sous 15 jours avec un procès-verbal de remise de l’enfant.
Enfin, le juge des tutelles assure un contrôle continu sur la situation de l’enfant et les obligations du Kafil, pouvant annuler la Kafala en cas de manquement et prendre des mesures dans l’intérêt de l’enfant.
Le kafîl a l'obligation de prendre soin de l'enfant, de subvenir à ses besoins matériels, moraux, éducatifs et affectifs.
Toutefois, le kafîl n'a pas l'autorité parentale telle qu'elle est conçue dans les pays de droit civil ; il ne peut pas changer la filiation de l'enfant ni lui donner son nom de famille.
Le kafîl n'a pas non plus d'obligation successorale vis-à-vis de l'enfant.
Le Kafil est civilement responsable des actes de l'enfant vivant avec lui, conformément à l’article 85 du Dahir des obligations et contrats (L. Kafala, art. 22, al. 5).
L'obligation d'entretien cesse à la majorité légale de l’enfant (18 ans), sauf pour une fille non mariée ou un enfant handicapé.
L'enfant sous kafala a droit à la protection, à l'éducation, aux soins, et à la vie de famille. Cependant, en raison de l'absence de lien de filiation, il n'hérite pas du kafîl.
Certains pays prévoient des mécanismes pour que le kafîl puisse léguer des biens à l'enfant sous forme de donation ou de testament, dans la limite des règles de succession en droit islamique.
Oui, la kafala peut être révoquée dans certains cas, par exemple si le kafîl n'est plus en mesure de prendre soin de l'enfant ou si la famille biologique de l'enfant souhaite le reprendre en charge.
La procédure dépend des lois locales et des décisions des autorités compétentes.
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