posted by Laila Touhami24/03/2024
Quelle procédure de divorce choisir en droit français ?
La compréhension du régime juridique des différentes procédures de divorce en droit français est essentielle pour faire un choix éclairé.
Le divorce est la dissolution du mariage du vivant des deux époux. Il met fin au lien conjugal et organise la vie future du couple dissous et des enfants. Il fait disparaître les droits et devoirs nés du mariage et en crée d’autres à la place.
En droit français, il existe quatre procédures de divorce distinctes. L’article 229 du code civil dispose : « Le divorce peut être prononcé :
1° -Soit par consentement mutuel
2° -Soit par acceptation du principe de la rupture du mariage
3° -Soit par altération définitive du lien conjugal
4° -Soit pour faute ».
La première procédure étant amiable et les trois autres judiciaires.
Le droit du divorce a connu de profonds remaniements au fil des années, la loi du 18
novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle avait « déjudiciarisé » le
divorce par consentement mutuel.
S’en est suivie la loi du 23 mars 2019 de
programmation et de réforme pour la justice, qui s’applique à compter du 1er janvier
2021, et qui franchit une nouvelle étape en réformant la procédure des divorces contentieux.
Le divorce amiable, connu sous le nom de divorce par consentement mutuel, est une procédure où les époux s'accordent sur la dissolution de leur union et sur tous les effets de cette séparation, sans intervention judiciaire directe.
Le divorce par consentement mutuel permet aux époux de divorcer sans passer devant le juge, il résulte de la volonté commune des époux : ceux-ci se mettent d’accord sur le principe de mettre fin à leur union ainsi que sur les effets d’une telle séparation, aussi bien entre eux que vis-à-vis de leurs enfants communs.
Le recours à cette procédure est recommandé si les époux veulent conserver des rapports cordiaux, et s’il existe un dialogue entre eux, ou que sa reprise est possible.
Cette procédure est également à privilégier dans le cadre de mariages à courte durée quand les époux n’ont pas d’enfants communs, ni de biens à partager vu qu’ils n’en possèdent pas ou qu’ils sont sous le régime de la séparation des biens.
Cette procédure présente l’avantage d’être rapide et peu coûteuse. Etant donné qu’elle est non contentieuse, elle permet d’éviter les débats judiciaires qui peuvent compliquer les rapports au sein de la famille et de garder secrètes les causes réelles de la séparation.
De même, les époux gardent toute latitude pour organiser tous les aspects de leur séparation, notamment les points relatifs à la vie des enfants (le droit de garde, l’exercice de l’autorité parentale, la résidence des enfants, le droit de visite, la pension alimentaire...).
Pour entamer un divorce amiable, chaque époux doit être assisté par son propre avocat, garantissant ainsi l'équilibre et l'équité de l'accord.
Conformément à l’article 229-1 du code civil , lorsque les époux s’entendent sur la
rupture du mariage et ses effets, chacun d’entre eux fait appel à son avocat respectif.
Cette condition tend à assurer, en l’absence d’intervention du juge, l’équité et l’équilibre entre les parties.
Ils constatent leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privé contresigné par leurs avocats: en pratique, l’avocat adresse, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un projet de convention à l’époux qu’il assiste.
Ce projet ne peut être signé, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de réflexion d’une durée de quinze (15) jours à compter de la réception (art 229-4).
La convention a force exécutoire au jour où elle acquiert date certaine. Une fois signée par les époux et contresignée par les avocats, la convention est déposée au rang des minutes d’un notaire, ce qui lui confère date certaine et force exécutoire.
La procédure de divorce par consentement mutuel extrajudiciaire est exclue pour les majeurs sous tutelle ou curatelle, ou lorsqu’un enfant mineur du couple demande audition par le Juge.
Dans le premier cas (majeurs protégés), le passage devant le juge est obligatoire. En effet, conformément à l’article 230 du code civil, les époux doivent soumettre la convention au juge pour approbation.
Dans le second cas (demande d’un enfant mineur, pas d'âge minimum pour être entendu mais capable de discernement) avant d’homologuer la convention et de prononcer le divorce, le juge s’assure que le consentement des parties est libre et éclairé et que la convention protège suffisamment les intérêts des enfants et des deux conjoints.
Les divorces contentieux représentent les situations où les époux ne parviennent pas à s'accorder sur le principe ou sur les effets de la séparation.
Lorsque les époux ne sont pas d’accord sur le principe et sur les effets du divorce, ils ont le choix entre trois cas de divorce :
− Acceptation du principe du divorce : les époux sont d’accord sur le principe du divorce, mais pas nécessairement sur l’ensemble de ses conséquences (ex. : mesures à fixer pour les enfants, prestation compensatoire, partage des dettes et des biens...);
− Altération définitive du lien conjugal : les époux sont séparés depuis plus d’un an;
− Faute : un époux reproche à l’autre une violation des devoirs du mariage.
Jusqu’au 31 décembre 2020, les divorces contentieux étaient réalisés en deux phases. La procédure débutait par le dépôt d’une requête en divorce déposée par l’un des deux conjoints. S’en suivaient alors l’audience de conciliation et l’assignation en divorce.
Désormais ces deux étapes successives disparaissent pour laisser place à une saisine unique par assignation ou par requête conjointe.
Cette modification apporte une simplification de la procédure répondant aux attentes des justiciables.
Mais cela entraine la suppression de l’ordonnance de non-conciliation rendue par le Juge aux Affaires Familiales qui réglait les rapports entre les époux durant la procédure de divorce.
La conséquence directe de cette disparition est que la date des effets du divorce sera désormais celle de la demande en divorce sauf report à une date antérieure.
Le conjoint souhaitant divorcer devra s’adresser à un avocat qui rédigera directement
une assignation en divorce.
Pour les divorces dont le principe est accepté par les deux
conjoints, il pourra également s’agir d’une requête conjointe, rédigée par les avocats des deux parties.
Le divorce accepté (ou par acceptation du principe de la rupture du mariage) constitue une alternative au divorce amiable, lorsque les époux sont d’accord sur le principe de séparation mais pas sur une partie ou la totalité des conséquences du divorce.
A cet effet, l’article 233 du code civil dispose que le divorce peut être demandé par l’un ou l’autre des époux ou par les deux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci.
Les époux peuvent recourir à cette procédure lorsque le dialogue subsiste entre eux, qu’ils sont d’accord sur le principe du divorce mais sans s’entendre pour autant sur ses conséquences, telles les modalités d’exercice de l’autorité parentale des enfants, le versement d’une pension alimentaire, ou les questions d’ordre financier ou patrimonial...
La procédure du divorce accepté peut notamment être envisagée lorsque les conjoints sont déjà séparés sans s’être mis d’accord sur les modalités du divorce.
La dernière réforme de 2021 permet aux époux d’accepter le principe de rupture du mariage par un acte sous seing privé contresigné par les avocats. Le principe de la rupture du mariage peut être accepté par les époux avant l'introduction de l'instance ou à tout moment de la procédure.
Il faut noter que l'acceptation n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel.
Cette forme de divorce s'applique lorsque les époux sont séparés depuis plus d'un an, signifiant une altération définitive de la vie conjugale.
Jusqu’alors, le divorce pour altération du lien conjugal requérait une cessation de la vie
commune de deux (2) ans au jour de la délivrance de l’assignation.
Désormais, le délai de séparation est réduit à un (1) an :
• à la date de l’assignation si le fondement de la demande est précisé à ce stade
• ou à la date du prononcé du divorce si le fondement de la demande est
indiqué ultérieurement.
L’article 237 dispose que le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré. Ce divorce est notamment prononcé dans deux situations :
→ En cas de cessation de la vie commune
Le juge doit constater la cessation de la communauté de vie des époux durant l’année ayant précédé l’assignation en divorce, conformément à l’article 238 al 1er.
A noter
que les époux qui se sont vu débouter de leur demande en divorce pour faute ne peuvent
ère
solliciter en appel le divorce pour altération définitive du lien conjugal (civ. 1ère, 19 mars 2014, n° 12-17.646)
Celui qui invoque ce délai doit en apporter la preuve par tous moyens : nouvelle adresse postale, location d’appartement, preuve d’une vie commune avec une autre personne...etc.
La reprise de la vie commune met un terme à ce délai d’un an. Mais une reprise temporaire pour des raisons matérielles, ou pour toute autre raison, laisserait le délai continuer à s’écouler.
Il faut enfin noter que le législateur ne fait pas la distinction quant aux circonstances ayant accompagné la séparation, il suffit pour l’application des dispositions susmentionnées que tant la vie matérielle qu’affective soit rompue.
→ En réponse à une demande en divorce pour faute
Le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal, sans considération de délai, dès lors que la demande présentée sur ce fondement est formée à titre reconventionnel en réponse à une demande en divorce pour faute qui, elle, est rejetée.
Ainsi, en cas de présentation d’une demande principale en divorce pour faute et d’une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, le rejet de la première emporte le prononcé du divorce du chef de la seconde.
Ce divorce donne donc la possibilité de divorcer au conjoint qui ne peut prouver la faute de l’autre ni obtenir son consentement pour divorcer.
Le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d’un an ne soit exigé.
La loi prévoit la possibilité, même si on a commencé une procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal, de convertir ce divorce en consentement mutuel ou en divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage (cette possibilité existait avant).
Comme dans le divorce pour faute, une réparation sur la base de l’article 266 du code civil peut être accordée pour indemniser les conséquences d’une particulière gravité, que l’époux défendeur à un tel divorce subit du fait de la dissolution du mariage.
L’exceptionnelle gravité s’entend des conséquences qui excèdent celles habituelles affectant toute personne se trouvant dans la même situation.
Leur appréciation revient au juge. Cela peut-être, par exemple, l’âge de l’époux défendeur, la durée du mariage, qui entraine un grave préjudice moral... etc mais l’appréciation se fera au cas par cas.
Le divorce pour faute est invoqué lorsqu'un des conjoints commet une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune.
Cette procédure, bien que plus longue et coûteuse, permet de mettre en lumière les manquements graves d'un des époux, tels que l'infidélité, l'abandon du domicile conjugal ou la violence, justifiant ainsi la demande de séparation
Le divorce pour faute est régi par les articles 242 à 246 du Code civil et par l’article 1128 du Code de procédure civile. Il s’agit d’une procédure contentieuse, longue et coûteuse.
L’article 242 du code civil prévoit :
«Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendant intolérable le maintien de la vie commune».
Un des époux peut demander le divorce pour faute si son conjoint a commis une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations liés au mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune.
Il y a là une double condition : les raisons invoquées doivent être suffisamment graves ou répétitives et rendre intolérable la vie commune.
Les juges de fond ne peuvent exiger que les faits invoqués pour cause de divorce
présentent à la fois le caractère de gravité et celui de répétition, alors que lesdits
e
caractères sont alternatifs aux termes de la loi (civ. 2e , 21 janv. 1970).
Constituent de tels manquements : l’infidélité, l’abandon du domicile conjugal, la brutalité de l’un des époux envers l’autre, l’abstinence sexuelle, les injures graves, le manquement au devoir de secours et d’assistance, l’abus de pratique de la religion...
La procédure de divorce pour faute requiert que le conjoint demandeur apporte la preuve des manquements allégués.
Le juge ne peut relever d’office, pour prononcer le divorce aux torts exclusifs de l’un des époux, une faute commise par celui-ci envers l’autre.
Pour obtenir le divorce, l’époux demandeur doit prouver la faute de son conjoint par tout moyen (aveu, témoignages sous forme d’attestations écrites ou orales, correspondances, constats d’huissier, certificats médicaux, communications téléphoniques non secrètement enregistrées, photographies...).
Cependant, il ne peut pas verser aux débats les éléments de preuve obtenus par la violence, la fraude ou l’atteinte à la vie privée.
Les descendants, enfants, petits-enfants, ne peuvent jamais être témoins sur les griefs invoqués par les époux. Les ascendants et la famille, eux, peuvent témoigner. Toutes les pièces versées aux débats sont contradictoirement débattues.
L’existence de la faute est laissée en tout état de cause à l’appréciation du juge. C’est le cas de l’adultère qui n’est parfois pas considéré comme une faute par le juge, sauf en cas de répétition.
Les procédures de divorce contentieux ont connu des changements significatifs avec les réformes législatives, simplifiant le processus et modifiant les étapes clés de la procédure.
Cette section examine les distinctions entre les procédures avant et après la réforme du 1er janvier 2021
Avant l’entrée en vigueur de la réforme du 1er janvier 2021, la procédure des divorces contentieux (divorce accepté, divorce pour faute, divorce pour altération définitive du lien conjugal) démarrait par une requête de divorce, déposée par l’avocat de celui qui est à l’initiative de la demande de divorce (articles 1106 et 1007 du Code civil).
Cette requête n’indiquait pas les motifs de la séparation. Une phase de tentative de conciliation s’en suivait (articles 252 et 253 du Code civil).
Si les époux s’accordaient devant le juge aux affaires familiales (JAF) sur le principe de l’acceptation du divorce, le juge recueillait cet accord dans un procès-verbal (PV) signé des époux et de leurs avocats.
Après l’acceptation du principe, les époux ne pouvaient plus se rétracter, excepté en cas de vice du consentement.
Le PV était annexé à l’ordonnance de non-conciliation (articles 257-1 à 258 du Code civil) rendue par le JAF.
Cette ordonnance visait à organiser la vie des futurs divorcés durant le reste de la procédure, et fixait notamment les mesures provisoires (garde des enfants pendant la procédure, domicile des époux...).
L’instance était longue et visait à régler les mesures et les conséquences définitives du divorce pour aboutir au jugement de divorce.
La procédure de divorce était introduite par un seul époux s’il y avait eu assignation, par les deux s’il y avait eu requête conjointe.
Le jugement de divorce venait remplacer les mesures provisoires qui avaient été fixées par le juge dans l’ordonnance de non-conciliation.
Avec la réforme pour la justice, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, la procédure de divorce contentieux ne démarre plus par le dépôt d’une requête en divorce. L’étape de la phase de convocation en audience de conciliation est donc supprimée.
La procédure est désormais enclenchée par une « demande de divorce » rédigée par l’avocat de l’époux demandeur (ou une conjointe écrite par les avocats des deux époux). Cela se traduit, de facto, par un raccourcissement du temps de la procédure.
Par ailleurs, il faut noter que quel que soit l’acte de saisine (requête conjointe ou assignation), il doit désormais porter mention d’une date d’audience d’orientation et sur mesures provisoires.
Ainsi, le défendeur (l’époux contre lequel est demandé le divorce) connait de suite la première date d’audience devant le juge.
Cette audience intervient en début de procédure pour orienter le dossier et statuer sur les demandes de mesures provisoires. Pour rappel, celles-ci étaient auparavant prononcées par le juge au stade de l’ordonnance de non-conciliation.
La réforme a également généré des modifications plus pratiques dans la procédure des divorces engagées devant un juge.
Auparavant, le type de divorce envisagé ne devait pas figurer dans la requête initiale (il n’était décidé que dans l’assignation).
Depuis le 1er janvier 2021, l’époux qui introduit l’instance peut d’emblée dire qu’il demande un divorce accepté ou pour altération du lien conjugal, mais pas un divorce pour faute.
En conclusion, les réformes législatives récentes en matière de divorce en droit français ont considérablement transformé les procédures, en mettant l'accent sur la simplification, la réduction des coûts et des délais, ainsi que sur la minimisation des conflits entre les parties.
Ces changements visent à rendre le processus de divorce plus humain et à favoriser les solutions amiables, reflétant une évolution positive du droit de la famille vers une prise en charge plus attentive et respectueuse des besoins de chacun.
Pour naviguer au mieux dans ce paysage juridique en mutation, il est essentiel de s'entourer d'un professionnel compétent qui saura vous accompagner avec expertise et bienveillance à chaque étape de votre procédure de divorce.
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